Lectures

[W] Tobias Wolff, Dans le jardin des martyrs américains

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Allez, un petit recueil de nouvelles pour la lettre W de mon challenge ABC ! L’avantage et le défaut des recueils, c’est que vous pouvez les lire de façon complètement éclatée. Celui-là, je l’ai commencé il y a longtemps ! J’avais lu trois nouvelles, commencé une quatrième… et puis je l’ai oublié dans un petit coin alors que pourtant, j’accrochais bien… En faisant un peu le tri dans mes bouquins à lire, je l’ai retrouvé, je m’y suis remise. Voilà.

Les nouvelles de ce recueil ne sacrifient pas toujours à la définition canonique de la nouvelle : une fois sur deux, elles omettent, bien volontairement je crois, la chute. Ça les rend peut-être un peu difficiles d’accès, surtout vu ce qu’elles s’attachent à décrire : elles suivent, bien souvent, le quotidien morne d’un Monsieur ou d’une Madame tout le monde. Pourtant, je peux difficilement dire que ce n’est pas réussi. Ce qu’il y a de particulier dans ce recueil, c’est l’aspect véritablement troublant de ses situations et de ses personnages. Point de fantastique ou de grandes aventures, pourtant : Wolff fait simplement ressortir, par flash, la sauvagerie, la violence muette, l’énergie aussi, qui se terrent derrière les masques sociaux. Cela nous donne des personnages absolument pas irréprochables mais irrémédiablement humains.

Je garde un souvenir tout particulier de Fumeurs, qui conte le parcours d’un jeune boursier dans une école fort cotée, loin de chez lui. Il espère s’y faire des relations avec de jeunes gens riches, être invité chez eux pendant les vacances, mais il rencontre surtout Eugene, boursier comme lui, jeune homme un peu balourd et ridicule. Il garde ses distances, soucieux de son image, mais contre toute attente, c’est Eugene et son naturel qui se lient avec un héritier… Notre héros se voit alors contraint de changer de stratégie, dans le but d’atteindre son but. Jusqu’où trahira-t-il sa conscience pour cela ? Chasseurs dans la neige nous donne à voir une partie de chasse entre amis qui n’est ps loin de tourner au cauchemar – et ce qui rend la nouvelle presque insoutenable, c’est que les protagonistes semblent difficilement s’en rendre compte ; tandis que Braconnage offre un pendant positif, avec une errance dans la forêt aboutissant, cette fois-ci, à un espoir. Dans le jardin des martyrs américains traite de ce qu’on est amenés à accepter, des aliénations subies pendant notre vie, notre carrière, de ce qu’on est prêt à abandonner pour cela… et des petites révoltes, dérisoires mais pourtant si fortes qui en découlent.

Si je devais émettre un regret, c’est que les nouvelles du recueil vont peut-être un peu toutes dans le même sens – encore que non, mais elles sont réunies pour avoir été écrite sous un même angle. C’est un angle très intéressant, fin et grinçant, mais j’aurais peut-être apprécié des variations de ton plus fortes d’une nouvelle à l’autre. Cela reste néanmoins un ouvrage intéressant et plaisant à lire, qui nous bouscule même un peu lorsqu’on n’y prend pas garde, pour peu qu’on accepte de s’imaginer moins pur et moins irréprochable qu’on ne le voudrait.

3 réflexions au sujet de “[W] Tobias Wolff, Dans le jardin des martyrs américains”

    1. Ce commentaire me rappelle aussi que je n’ai pas dit quelque chose d’important : j’aime bien la typo, la mise en page, couverture etc. de cette maison d’édition. C’est le deuxième livre de chez cette maison que je lis en tout cas, et j’avoue qu’elle est chouette 🙂 Merci pour le commentaire !

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